est né le 21 juillet 1935 à Rouen et nous a quittés le 29 juin 2014.
Son père, Max, était une figure du monde médical de cette ville. Interniste avant que ce terme fut créé, il avait forgé un service pionnier dans la prise en charge des maladies infectieuses, de la réanimation médicale, de la néphrologie...Gérard se souvenait que, dans la voiture transportant pour les vacances, la famille de Rouen à Agay, sur la Côte d'Azur, il y avait toujours une malle chargée de livres et de revues médicales dont sa mère faisait la lecture tandis que Max conduisait.
Cette ambiance studieuse, voire austère, teintée de jansénisme, a structuré notre ami Gérard entre refus et consentement.
Externe à Rouen puis à Paris, il s'installa en compagnie de Jérôme Andrieu dans une « chambre de bonne », louée par Michel Dugas ; ce dernier allait exercer sur les deux compères un rôle clé : ainsi, c'était debout sur son précieux bureau Louis XV qu'ils devaient déclamer les questions d'internat...
Un grand éclectisme dans ses choix de lectures, qui n'étaient pas exclusivement médicales, permit à Gérard de faire un externat très prolongé, avant sa nomination à l'Internat des Hôpitaux de Paris en 1963.
Dès lors Gérard entra en neurologie ; parmi ses maîtres, André Buge, François Lhermitte, Paul Castaigne dont il fut chef de clinique. Puis il partit pour Clermont-Ferrand où il fit sa carrière hospitalo-universitaire.
Il mit son point d'honneur à ne pas s'enfermer dans une discipline particulière du champ neurologique. Parmi ses travaux, son intérêt pour le médicament le conduisit à rédiger avec son ami Henri Dehen un ouvrage de neuropharmacologie clinique. Nous n'oublierons pas qu'il fut un des pères fondateurs du CMA en compagnie de Michel Dugas, Yves Agid et Michel Gonce.
Père de trois filles et un garçon, il cultiva avec un profond bonheur l'art d'être grand-père et oncle attentif. Les soins affectueux dont Gérard entoura ce petit monde, avec la chaleureuse complicité de Marian, son épouse, furent pour lui source inépuisable de bonheur. La maison des Mauvaises à Blanzat était toujours ouverte et la table accueillante.
Homme de conviction, il ne transigeait pas avec ses principes. Malheur à ceux qui y dérogeaient. Fidèle en amitié avec la même persévérance, il savait entourer ceux qu'il aimait d'une indéfectible affection.
Françoise Tournilhac, sœur de Gérard, m'a confié que leur mère récitait parfois « la mort du loup » d'Alfred de Vigny. Les derniers vers sont l'image de la vie de notre ami et de ses ultimes moments :
« Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le sort a voulu t'appeler,
Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans parler. »
Luc Verdure
Le Professeur Michel DUGAS, avec lequel nous avons mis en place le Club des Mouvements Anormaux en 1986, est décédé le 8 avril 1998, des suites d'une maladie qui le taraudait depuis 2 ans, sans l'empêcher de toujours se préoccuper assidûment de nos activités et notamment du matériel de projection dont il évaluait encore les nouvelles technologies lors de ses dernières semaines de vie.
Ce breton né à Rennes, d'un père polytechnicien, a été nommé Interne des Hôpitaux de Paris en 1950. Après les premiers semestres d'internat consacrés à la Médecine Interne, il se retrouve en Neurologie (Pr. Th. ALAJOUANINE), en Psychiatrie (Pr. L. MICHAUX) et enfin en Pédiatrie (Prs. LAPLANE, MARIE, GRENET). Trois années de clinicat lui permettent de consolider son expérience dans ces spécialités, puis en Psychiatrie Infantile, domaine qui sera désormais le sien. Il avait dans le même temps, selon les usages de l'époque, débuté une carrière de pédiatre libéral. Parallèlement, il deviendra vite un expert en Pédo-Psychiatrie, tant au plan national qu'international.
C'est en 1966, qu'il devient maître de conférence agrégé de Neuro-Psychiatrie avec un service de Psychiatrie Infantile à la Salpêtrière, avant de reprendre en 1974 le service de Psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent de son maître et ami le Pr. P. GRENET à l'Hôpital Hérold. Le transfert à l'Hôpital Robert Debré intervient en 1988. Il y terminera sa carrière, sans oublier d'assurer avec la complicité de Madame le Pr. M.C. MOUREN-SIMEONI, qui lui a succédé, l'accueil chaleureux de nos réunions.
Près de 300 publications ne sauraient résumer ses travaux scientifiques et didactiques dominés par deux thèmes principaux : la parole et le langage de l'enfant et la psychiatrie infantile.
La dyslexie dysorthographique, sujet de sa thèse inaugurale, a ouvert le premier registre où apparaissent ensuite des travaux consacrés à l'aphasie acquise de l'enfant, le syndrome de Landau-Kleffner, les troubles de la dominance latérale, le mutisme, le bégaiement... Sans oublier, dès 1957, la création de l'enseignement de l'orthophonie, que lui a confié le Pr. L. MICHAUX et dont il assurera la responsabilité tout au long de sa carrière.
La psychiatrie était aussi l'un de ses soucis primordiaux, au point de réussir à introduire l'enseignement de la sémiologie en 1971, appuyé d'un épais polycopié dont il revendiquait, à juste titre, la nouveauté. Aucun des champs de la psychiatrie infantile n'a échappé à sa curiosité, à son esprit d'analyse, à son évaluation rigoureuse : dépression, schizophrénie, troubles du sommeil, épilepsie, autisme, anorexie mentale, boulimie, difficultés scolaires, sans oublier l'hystérie. Les membres du CMA n'ont certainement pas oublié la conférence érudite et limpide qu'il nous avait donnée sur le thème des troubles "fonctionnels", "psychogènes" devenus somatoformes grâce au DSM III !
Ce neuropédiatre devenu psychiatre avait tout pour attirer à lui les enfants tiqueurs et c'est ainsi qu'il devint un grand spécialiste des tics et des mouvements anormaux, avec, le cas échéant, la complice expertise de la Salpêtrière. Il était donc naturel qu'il fut avec nous et A. Lees l'initiateur et l'organisateur d'un congrès célébrant en 1985 le centenaire de la description de la maladie des tics par Gilles de la Tourette. De la réussite de ce congrès est né le CMA qui se réunissait au début dans le service parfaitement "vidéo-équipé" de Michel DUGAS à l'Hôpital Hérold avant de le suivre à l'Hôpital Robert Debré.
Michel DUGAS était un grand pédiatre qui avait en psychiatrie la rigueur d'un neurologue, avec la même soumission critique vis à vis de la sémiologie, lui permettant de dépasser l'obsolète dualité corps-esprit.
C'était encore, et peut-être surtout, un enseignant exceptionnel, comme peuvent en attester ceux qui l'ont connu conférencier d'externat, d'internat, puis tout au long de sa carrière professorale.
C'était aussi un homme chaleureux, loyal, efficace et toujours pertinent.
C'était enfin un ami incomparable.